• Éthique chrétienne

    Conférence donnée par Eric LEMAITRE lors d’un colloque sur l’Islam.
    Eric LEMAITRE était l’invité de l’Association des Racines et des Êtres.

    Chrétien engagé dans sa cité, Eric est coordinateur du courant pour une écologie humaine en région Champagne-Ardenne.

    Le courant pour une écologie humaine rassemble des hommes et des femmes de tous horizons culturels, de tous horizons confessionnels et qui entendent œuvrer pour un monde commun, un monde à hauteur d’hommes, un monde de bienveillance.

    ***

    J’ai rejoint le courant d’une écologie humaine à partir de deux convictions.

    • Cette conviction que nous ne pouvons pas nous enfermer ni dans des idéologies, ni dans des dogmes, ni dans des approches philosophiques, clivant les hommes entre eux.
    • Cette conviction d’engager la construction de passerelles pour amener le dialogue y compris avec les gens avec lesquels nous n’aurions jamais songé à partager un moment d’amitié, une tasse de thé.  

    Je vais également auprès de vous intervenir comme une personne du Livre, et je sais que la communauté musulmane respecte les gens du Livre.

    C’est ainsi que comme chrétien je m’adresserai à vous en transcendant les différences théologiques qui nous éloigneraient. Je n’aborderai pas la doctrine chrétienne mais bien l’éthique chrétienne qui est sans doute méconnue et d’ailleurs l’est probablement de nos propres milieux.

    Pour expliquer le sens même de l’Ethique, je m’appuierai sur un exemple rapporté par l’un de mes très proches amis qui lui-même a travaillé dans la finance… Voici ce que cet ami me rapporta « Un trader de la Société Générale fit sur une transaction l’équivalent de deux années de résultat de cette banque. Lorsque le cardinal Barbarin lui a demandé ce qu’il en pensait en tant que chrétien il répondit : je n’ai pas volé, je n’ai pas tué, j’ai beaucoup travaillé et j’ai mis ma compétence au service de ma banque. Mais je ressens un profond malaise relativement à ce que j’ai fait. » Ce témoignage nous montre que ce qui est en cause n’est pas la morale mais bien l’éthique, c'est-à-dire il ne suffit pas  de dire, je n’ai pas transgressé la loi morale mais il faut aussi s’interroger sur les conséquences de ses actes.

    A travers l’éthique chrétienne, je pense également à un personnage qui d’une certaine manière a marqué le monde musulman et le monde chrétien ; cette figure est Charles de Foucauld.

    Charles de Foucault fut un célèbre explorateur et géographe puis après une vie troublée il embrassa la foi chrétienne. Dans cette démarche de conversion chrétienne, il devint ermite.

    Cette figure du Christianisme, remplie de charisme, savait :

    • mettre en pratique la dimension de la relation ;
    • reconnaître, en toute personne, un frère ou une sœur en humanité. 

    Charles de Foucauld séjourna au Maroc et vécut avec les Berbères, adopta une nouvelle approche de la vie spirituelle en privilégiant comme modèle de vie l’exemple.

    Le cheminement spirituel de Charles de Foucault est né de sa rencontre avec des amis musulmans. Il fut interpellé dans sa conscience lui qui menait une vie totalement dissolue par ses amis qui surent le questionner, qui ont su l’interroger ; il chemina jusqu’à rencontrer Dieu, le Dieu de l’évangile.

    Charles de Foucault montre un chemin pour vivre la foi aujourd'hui dans un monde Occidental qui semblerait de moins en moins reconnaître le fait religieux. Ce chemin est de vous rencontrer, comme lui ce soir en frère ou en sœur en humanité.

    Pour revenir au thème de la conférence, Il importe me semble-t-il d’approfondir le sens du mot éthique.

    S’il est vrai que les mots « morale » et « éthique » se rapportent à la sphère des valeurs et des principes moraux. Sont-ils pour autant totalement synonymes ?

    Par exemple

    • la justice,
    • la loyauté,
    • la générosité
    • et la responsabilité de soi comme acteur dans la cité ou dans ce monde

    sont des idéaux supérieurs auxquels on croit important d’obéir : ce sont des valeurs morales.

    De même, « ne pas faire aux autres ce qu'on ne veut pas qu’ils nous fassent » est une règle que nous tous ici, nous identifierons comme étant essentiel. C’est pour nous tous un principe moral. En général, un principe moral découle d'une ou de plusieurs valeurs vertueuses.

    Ces valeurs et principes sont aussi au cœur des jugements moraux qu'on porte. En résumé, quand on parle de morale et d’éthique, on touche à la sphère des valeurs.

    Mais il me semble que l’éthique diffère sensiblement de la morale.

    L’éthique chrétienne se distingue de la morale en tant qu’injonction ou comme une recommandation à faire ou ne pas faire. L’éthique donne une assise réflexive à la morale, mais l’éthique et l’éthique chrétienne est d’abord le partage d’une conception de l’anthropologie de l’homme en tant qu’être relationnel.

    La relation dans l’éthique chrétienne va dès lors être au cœur même de mon intervention.

    L’éthique  est d’abord selon moi une réflexion argumentée en vue du bien agir, en vue du bien commun. C’est également une réflexion réfléchie sur les conséquences de nos actes, sur les effets qui touchent aux orientations données à nos actes.

    L’éthique que je vais développer ce soir, se propose, vous  propose de nous interroger sur les valeurs spirituelles, les principes vertueux qui devraient orienter, gouverner nos actions, dans le but d'agir conformément à ceux-ci.

    L’éthique chrétienne que je vous partage est d’abord une conception anthropologique de l’homme.

    Je nous invite à penser cette conception de l’homme à travers un ensemble de déclinaisons que je vais tour à tour développer.

    Ainsi les dimensions développées autour de l’éthique Chrétienne se rapportent à plusieurs aspects :

    • Le premier est celui de la metanoïa, j’en conviens le terme est énigmatique ; je ne connais pas l’équivalent en arabe mais je m’appuierai sur une citation de l’apôtre Jean (1 Jean 4:13) : « Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est un don de Dieu; ce n’est pas le fruit d’œuvres que vous auriez accomplies… » La metanoïa est en conséquence le fruit d’une transformation engagée par Dieu dans notre cœur, si nous nous décidons de nous reconnecter à Lui et le laissons œuvrer dans notre cœur, ainsi la transformation ne dépend pas seulement de nous, mais du don de Dieu en nous.
    • Le second est celui de la relation, le pendant de la metanoïa. Intrinsèquement l’être humain est un être relationnel. Nous devrions nous voir les uns et les autres, au-delà même de nos différences, de nos antagonismes comme je le rappelais en citant Charles de Foucauld ; nous devons nous rencontrer les uns et les autres comme des frères et des sœurs en humanité.
    • Le troisième est celui de l’altérité, un terme qui mérite d’être largement défini et que je résume à travers la notion de différence. Dans un monde d’égalitarisme on finit par omettre que les différences peuvent nous rendre et doivent nous rendre complémentaires. Nous ne sommes ni interchangeables, ni être appelés à être une synthèse pour nous fondre dans je ne sais quel courant syncrétique, nous avons une identité propre, un visage propre et si nous sommes alter égo (semblables), nous sommes aussi altérité (différents).
      Etre différents ne signifie NULLEMENT une notion d’inférieurs et de supérieurs mais qu’entre êtres semblables nous sommes dotés de valeurs, de dons, de talents, de vocations, nous permettant de nous compléter. Ce sont nos différences qui nous enrichissent à commencer par être un homme ou une femme.
    • Le quatrième est celle de la dignité de l’homme,  La dignité désigne une qualité inaliénable de l’être humain, constitutive de son existence, invitant chacun à une attitude de respect envers toute personne quel que soit son arrière-plan, son statut, son parcours, sa différence, son orientation, sa religion. Tout homme possède une valeur, cette valeur qui caractérise chaque être humain, n’a pas de prix, ainsi l’existence humaine ne possède en soi aucune valeur marchande.

    L’éthique chrétienne est également dans ce contexte de dignité de l’homme, une lutte incessante contre toute idéologie mortifère qui touche aux questions d’eugénisme (choisir de faire vivre une personne en fonction de critères liées à une prétendue normalité), d’euthanasie (décider de faire mourir une personne au nom d’une prétendue délivrance de ses souffrances), de marchandisation du corps humain (faire de la femme ou du corps de la femme un objet quelconque de commerce…).

    Ce sont ces quatre points de l’éthique chrétienne que je vais développer.

    La metanoïa

    Jésus nous rappelle un premier commandement « Tu aimeras Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée »

    Je citerai un auteur pour aborder cette dimension de la metanoïa, cet auteur vous le connaissez sans doute, puisqu’il s’agit de Blaise Pascal : « Les hommes prennent souvent leur imagination pour leur cœur; et ils croient être convertis dès qu'ils pensent à se convertir. » 

    Ainsi le commencement de l’éthique touche à la dimension de la metanoïa ce qui signifie en grec un changement de vue, une mutation, un changement fondamental, une véritable conversion, ce qui n’est pas une métamorphose, un simple changement d’apparence, un changement de forme, qui ne serait être qu’un maquillage, un masque en réalité. Comme je l’ai rappelé précédemment, la metanoïa est le don de Dieu, il n’est pas la résultante de nos œuvres. Dieu se moque de nos efforts, puisque cette transformation qui s’opère en nous, ne saurait se réaliser sans son secours.

    La metanoïa est un changement invisible et visible.

    • Invisible parce que la personne se reconnecte à l’idée de la transcendance,
    • visible car la vie de cette personne sera marquée par l’idée du bien.

    La metanoïa est un :

    • au-delà de nous,
    • un au-delà de l'intellect,
    • un au-delà de la raison rationnelle.

    La metanoïa se rapporte à un mouvement de conversion, à un retournement par lequel l’homme s'ouvre comme l’écrit un théologien chrétien à « plus grand que lui-même, en lui-même ». Je répète « un plus grand que lui-même en lui-même ».

    La metanoïa est en quelque sorte une forme de retournement de situation mais ici cela touche à la dimension spirituelle; il s’agit de l’homme reconnecté à l’idée de la transcendance. L’homme qui voulait échapper à Dieu, retourne à son Créateur (non pas rendre l’âme mais retourne dans le sens de se reconnecter à Dieu).

    La vision dès lors n’est plus l’horizontalité mais la verticalité. La vie ne se réduit pas à la seule horizontalité comme je l’ai précédemment décrit, car nous sommes bien dans un monde où tout veut nous ramener à une stricte horizontalité.

    Je cite ici Saint Paul dans le livre des Actes au chapitre 14 (v.15) « O hommes, pourquoi agissez-vous de la sorte ? Nous aussi, nous sommes des hommes de la même nature que vous; et, vous apportant une bonne nouvelle, nous vous exhortons à renoncer à ces choses vaines, pour vous tourner vers le Dieu vivant, qui a fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qui s'y trouve. »

    Il s’agit bien de quitter cette horizontalité de laquelle on ne peut rien attendre, pour s’attendre au seul vrai Dieu qui a fait les cieux et la terre.

    Le chemin de la metanoïa commence par-là : se reconnecter pour se laisser transformer. Au fond il est vain de persuader de sa vérité, si l’homme n’est pas reconnecté à Dieu que nous chrétiens nous appelons Père.

    La matrice de l’anthropologie biblique, est dans la dimension du cœur; le cœur est le siège, le lieu le plus intime, sans doute aussi l’aspect le plus fragile. Or la conversion du cœur c’est sa reconnexion à Dieu qui permet de bouleverser notre façon d’être, de faire et d’agir et d’être orienté vers la recherche du bien.

    La relation

    Jésus nous rappelle un second commandement « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

    La relation est une dimension essentielle, vitale de l’éthique chrétienne, la dimension du prochain est la matrice de toute vie civilisationnelle.  

    Comme le dit le Philosophe Levinas « Il est banal de dire que nous n'existons jamais au singulier. Nous sommes entourés d'hommes et de femmes avec lesquels nous entretenons des relations. Par la vue, par le toucher, par la sympathie, par le travail en commun, nous sommes avec les autres… »

    Autrement dit, toute relation est fondamentalement ancrée sur le rapport à l’autre comme personne.

    Dans la foi chrétienne nous ne rencontrons pas une personne à travers son idéologie, son orientation, son arrière-plan culturel. Nous rencontrons d’abord un visage avec sa singularité, nous rencontrons la personne comme « un frère ou une sœur en humanité ».

    Je rencontre cet homme qui est mon semblable et qui est différent de moi et je le rencontre comme une personne que je dois aimer comme un autre moi-même indépendamment de ses croyances, de ses convictions. Je le rencontre afin de de l’aimer comme moi-même.

    La relation est ainsi une dimension qui est fondée sur la qualité de l’attention donnée à l’autre indépendamment de ce qui définit son arrière plan ; le prochain est d’abord une personne avant d’être une idée, une croyance, une religion, une orientation, un statut.

    La relation qui est éminemment sociale :

    • n’est donc pas la méfiance,
    • n’est donc pas la suspicion,
    • n’est donc pas le doute

    La relation est d’abord l’accueil de l’autre.

    Créé à l’image de Dieu, tout homme a une valeur immense, donc autrement dit Chrétien, Juif, Musulman, Hindouiste, Bouddhiste, Athée  nous sommes tous une empreinte de l’image de Dieu. C’est cette identité — en quelque sorte d’origine divine — qui fonde pour le chrétien la dimension de la relation.

    La relation ne saurait alors s’adosser à l’exclusion. Il ne saurait y avoir de personne de seconde zone, de citoyen déclassé car il serait d’une autre couleur, d’une autre religion, d’une autre orientation. Ni la couleur de peau, ni la couleur de religion ne doivent entraver le fait d’être le prochain de l’autre.

    Pour reprendre un propos du Philosophe Levinas, dans la relation interpersonnelle que nous engageons, « il ne s'agit pas de penser ensemble moi et l'autre, mais d'être en face. La véritable union ou le véritable ensemble n'est pas un ensemble de synthèse, mais un ensemble de face à face », autrement dit une rencontre de face à face dans le respect, l’amitié, l’intelligence relationnelle sans se renier, sans nécessairement abandonner les convictions intimes qui sont celles que nous partageons au plus profond de nous-même.

    L’altérité

    « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »

    Le récit biblique souligne la différence : l’humain est créé sujet unique alors que les animaux sont créés espèce. Cela nous permet de définir l’humain comme un "animal" à part, un être qui a conscience à la fois de sa singularité et de son altérité.  La lecture de l’altérité est soulignée par le verset 18 dans le livre de la Genèse au chapitre 2 qui déclare : Le Seigneur Dieu dit : « Il n'est pas bon pour l'homme d'être seul ». Dieu va créer un être semblable (la femme), un alter ego dans lequel il s’identifie « Voici la chair de ma chair », mais un être différent. L’altérité crée l'attirance.

    Le verset 18 du livre de la Genèse au chapitre 2, définit l’humain comme un être seul et pose comme principe à son humanité, la fin de la solitude qui marquait sa création.

    Ce n’est pas dans l’espèce animale mais dans la différenciation sexuée que l’humain découvrira un autre que lui-même, qui révélera la fin de la solitude.  

    Ici est souligné à la fois la dimension d’un autre que moi-même mais qui m’attire parce que différent de moi et complémentaire.

    La femme est bien différente de l’homme ce qui n’en fait nullement un sujet inférieur car elle est parfaitement semblable en raison d’un même intellect, d’une même sensibilité, d’une même âme, mais elle est différente car elle porte la vie, elle est Eve, elle féconde la vie, met l’être humain au monde après l’avoir porté en son sein. Nous voyons bien aujourd’hui l’idéologie qui est en cours et qui entend dénaturer la réalité qui touche à l’homme et à la valeur.

    Nous comprenons qu’une dénaturation peut se dessiner du fait d’une négation de l’altérité homme / femme. Hommes et Femmes qui constituent des figures singulières faits pour se rencontrer et engendrer la vie.

    L’homme comme la femme et la femme comme l’homme sont en situation d’altérité réciproque. La qualité de la relation homme femme devient un critère éthique fondamental. Dans le chapitre 3, la péché est défini : « Vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais ».

    Ainsi un humain qui revendique une place égale à Dieu est un humain qui veut posséder les gens et les choses, les consomme en quelque sorte, il ne respecte plus l’altérité infinie du prochain, sa singularité mais il l’instrumentalise, il le manipule selon son désir.

    Nous retrouvons dans cette approche la pensée du philosophe Levinas qui peut être considéré comme le grand philosophe de l’altérité. Pour le philosophe Levinas, l’éthique ne se fonde pas sur la croyance, l’idéologie, la religion du sujet pour prendre en compte la différence du prochain, celle-ci s’impose plutôt à lui à travers la singularité de son visage, au travers de son existence.

    De par son caractère unique et fragile, le visage de l’être humain est la manière dont l’autre se présente dépassant l’idée de l’autre en moi. Cette constatation conduit le philosophe à proposer sa célèbre formule : le visage qui est un frère ou une sœur en humanité fait retentir le message qui dit : « tu ne tueras pas ». Ainsi chaque visage est un VISAGE de Dieu qui interdit le meurtre : Visage du « Sinaï » dira Levinas.

    La dignité humaine

    Un des textes fondateur de la dignité humaine se trouve dans ce verset du livre de l'Exode : « J’ai vu la misère de mon peuple en Egypte et je l’ai entendu crier... Va maintenant, je t’envoie vers Pharaon, fais sortir d’Egypte mon peuple... » (Ex. 3,7-10)

    La dignité humaine est au cœur de l’éthique chrétienne.

    Il existe différents usages du substantif « dignité ». C’est  l’approche ontologique que je souhaite aborder, et à travers l’approche ontologique de la dignité c’est cette qualité intime, précieuse, que l’on ne saurait dénier à quelqu'un,  qui fonde le respect autant que les droits et les devoirs de tout être humain en vertu de son engendrement à l’intérieur de l’espèce humaine.

    La dignité ontologique est un don fait à tout être humain, sans condition de race, de couleur, de sexe, de religion, d’âge… quels que soient son statut social, sa pathologie, son handicap, ses ressources…

     La civilisation occidentale puisqu’il faut aussi parler d’elle, sombre en réalité et subrepticement dans la barbarie. Nous devons être prudent sur les leçons données par l’Occident laïque et démocrate qui s’arroge, s’accommode de donner des "leçons de civilisation à l’ensemble de la Planète".

    Notre civilisation occidentale a développé des concepts normatifs pour évoquer la barbarie : génocide, camps de concentration, euthanasie, eugénisme, les Lebensborn… mais est sur le point de réintroduire, de reproduire, de répliquer ceux qu’elle considérait comme une atteinte à l’humain. Ainsi par exemple, elle n’ose pas qualifier d’eugénisme la sélection de l’enfant à naître selon les dimensions normatives de la société occidentale.

    La GPA introduira une forme de darwinisme social. D’ailleurs la récente actualité ne l’a-t’elle pas démontrée ? Cette même GPA est susceptible de détruire la notion de filiation, de créer des troubles identitaires comme ce fut le cas avec les Lebensborn qui ont été dévastateurs pour des enfants qui n’ont pas connu l’affection paternel et maternel. L’actualité n’a-t-elle pas mis à jour ces nouvelles formes de Lebensborn, ces cliniques et maternités ou des femmes pauvres accueillies, marchandent leurs corps au profit de couples en manque d’enfant ?

    La GPA, si ce dispositif est mis en œuvre, violera le droit des enfants à avoir un père et une mère biologique et exploitera les femmes sans ressource et dans le besoin pour donner satisfaction aux désirs de deux adultes, lesquels pourront rejeter cet enfant s'il n'est pas "conforme" aux normes en vigueur, comme on l'a vu récemment en Australie et en Angleterre.

    Faut-il également évoquer dans les arcanes des pouvoirs publics, ces réflexions menées sur l’euthanasie pour abréger les souffrances, l’incurabilité au lieu d’accompagner le mourant au travers des soins palliatifs. L’euthanasie dont les pratiques humanistes pourraient bien couvrir des raisons purement "économiques" et devenir ainsi et à terme une variable d’ajustement.

    L'avortement (quoi de plus barbare qu'un tel acte, même si on peut excuser la femme qui le commet et qui, bien souvent, n'a pas le choix), la GPA, la théorie du genre dans sa version extrême, tout cela témoigne alors d'une plongée dans la barbarie et d’une atteinte à fortiori de la dignité humaine.

    Je conclurai par cette phrase d’Albert CAMUS

    En 1957, au moment du discours de réception du prix Nobel de littérature Albert Camus eut ses mots : " Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer à partir de ses seules négations un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. "

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