Alain LEDAIN - Partages, pensées, réflexions...
Thibaud Collin remarque d’abord que les partisans du mariage des couples homosexuels considèrent ces derniers comme victimes d’une discrimination. Pour ces partisans, leur revendication s’inscrit donc dans la lutte contre les discriminations qui sont toujours des injustices. Une délibération n’aurait ainsi pas lieu d’être, la question posée par l’auteur ayant déjà sa réponse. Il convient pourtant de se demander si l’équivalence entre discrimination et injustice est fondée et d’où viennent ces discriminations.
Qu’elles proviennent des données de la nature humaine est insupportable pour ceux qui militent pour le « constructivisme social » : pour être démocratique, tout doit avoir été choisi, construit et non reçu. On constate ici un rejet profond de l’hétéronomie perçue comme anti-démocratique et comme une répression de la liberté individuelle. On retrouve ce même rejet dans la théorie du Gender : on rejette son sexe (un donné non voulu) et on choisit son genre (féminin ou masculin) indépendamment de lui.
Ultimement, la lutte contre les discriminations s’inscrit dans le cadre des Droits de l’Homme ; mais qu’est-ce que l’homme ? Notre période étant relativiste, nihiliste et constructiviste (destructurante en fait !), il devient impossible de le définir par son donné naturel (par ce qu’il est « naturellement »). L’homme est devenu indéfinissable de manière définitive et absolue. Une conséquence directe, c’est que le droit n’est plus écrit en fonction de ce qu’est l’homme mais à l’inverse, il est chargé de le déterminer. Ce sont les lois qui font l’homme.
Exprimé plus simplement, à la question « Qu’est ce que l’Homme ? », la réponse donnée est : « le sujet qui a tels et tels droits ». Or, ces droits trouvent leur source dans les revendications contradictoires et fluctuantes nées des histoires individuelles. On en arrive ainsi à un homme plongé dans la confusion, dans l’indifférenciation à tous les niveaux, entre autre sexuelle.
A ce point, on se demande si le mariage a encore un sens, si le mariage gay n’est pas le « début de la fin » du mariage. Ne faudrait-il pas le remplacer plutôt par un contrat juridique unissant x personnes, quelles que puissent être ces personnes ? Pourquoi encore utiliser ce terme de « mariage » très connoté religieusement ?
Pour répondre à cette question, il faut revenir au Code Civil et aux intentions de ses rédacteurs, de Portalis notamment qui, il faut le rappeler, s’est explicitement placé sur le terrain de la laïcité.
Pour Portalis, « le mariage est nécessaire » contrairement à tout autre contrat, son objet étant « déterminé par la nature même ». Et « on ne s’engage pas seulement pour soi, mais pour autrui » : pour la nouvelle famille à laquelle on va donner l’être, pour l’Etat et pour la société du genre humain. Dans l’esprit de Portalis, le mariage pointe vers l’enfant, nouveau membre de la société. Le mariage est la matrice de la cité, le cadre stable où l’enfant va se développer dans son intégralité. Il est donc bien plus qu’un contrat mais une institution assurant la filiation des enfants. Il est plus que « la conjugalité ».
Dans ce cadre, l’enfant doit être le bénéficiaire de l’unité familiale et non celui qui l’assure.
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L’enfant est parfois « construit » grâce à la mainmise de l’homme sur la reproduction. Procréation et sexualité sont ainsi séparées ; ce qui explique et justifie l’homoparentalité. Pourtant, l’enfant ne peut pas être une « construction technique », une « œuvre », un « produit de laboratoire » justifié par certaines pratiques sexuelles. Il ne peut être discriminé, avec l’approbation de l’Etat, en le privant de ses biens fondamentaux : une filiation inscrivant sa vie dans une ascendance maternelle et paternelle et ne le confrontant pas à la multiplicité des ascendants (pluriparentalité).
Une raison essentielle au refus d’accorder le mariage aux personnes de même sexe est de créer une injustice envers les enfants. « Peut-on priver un enfant du droit reconnu à tous les autres d’avoir pour parents un père ou une mère ? » (Yan Thomas)
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Comme mes lecteurs peuvent le constater, Thibaud Collin se place résolument sur le plan philosophique et non sur le plan religieux. Son livre est très bien argumenté mais d'une lecture qui ne le rend pas accessible à tous. J'en ai apprécié le contenu qui démontre, s'il le fallait, que l'éthique biblique peut être défendue intelligemment.
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En complément, vous pouvez lire l'article suivant : Thibaud Collin, professeur de philosophie : "Les enfants au sein de couples homosexuels présenteront des blessures profondes"
Est-il juste d'ouvrir le mariage civil aux personnes de même sexe ?
Cette question n'est pas posée ici de manière théorique, mais dans le contexte social et politique bien précis de la société française actuelle. Le critère central à l'aune duquel les choix politiques sont déterminés étant la justice, il s'agit d'expliciter ce qui fonde la revendication à l'ouverture du mariage, à savoir la lutte contre les discriminations.
L'auteur analyse ce qu'est le mariage en tant que tel, à savoir l'institution qui articule la conjugalité et la parenté. Est-il donc juste de prévoir un cadre institutionnel dans lequel l'enfant vit sa filiation soit dans une parenté monosexuée, soit dans une pluriparentalité ? De telles situations le privent-elles de biens humains intrinsèques ? La loi doit-elle prévoir que certains enfants aient à supporter les conséquences des choix sexuels de ceux que l'État leur désignera malgré tout comme leurs parents ? Quelles sont les conceptions de la justice sous-jacentes aux diverses réponses ? Cette revendication est-elle en continuité avec les évolutions récentes ou bien produit-elle une rupture majeure ?
En réponse à toutes ces questions, Thibaud Collin fournit les élements pour que chacun puisse envisager la gravité de sa propre réponse avec clarté.