Alain LEDAIN - Partages, pensées, réflexions...
Le mot de dignité a un sens précis, il signifie que ce qui en est revêtu a une valeur absolue et non relative. Un homme n’a pas une valeur parce qu’il est intelligent, beau, en bonne santé, productif, que sais-je encore ? Tout homme a une valeur infinie parce qu’il est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu qui l'a aimé au point de mourir pour le sauver. C’est ce qu’il faut toujours garder présent à l’esprit lorsqu’il s’agit de s’évaluer soi-même. Ma dignité ne doit pas seulement être reconnue par les autres mais d’abord par moi-même, je ne peux m’abaisser en-dessous du prix payé par le Seigneur pour mon salut :
« Vous ne vous appartenez pas à vous-mêmes, car vous avez été rachetés à un grand prix » (Première épître aux Corinthiens 6, 19-20).
Ce prix, c’est la mort du Christ en croix. Si je veux être respecté, je dois d’abord me respecter, c’est-à dire refuser d’engager ma liberté au service de ce qui est indigne d’un homme racheté par Dieu fait homme et mort sur la croix.
Chaque homme est donc voulu par Dieu pour lui-même et ce, dès avant sa conception. Si l’homme ne s’appartient pas, il n’appartient pas non plus aux autres ni à la société. Par sa relation avec Dieu, par sa vocation, l’homme transcende toute communauté humaine qui doit donc être au service de cette vocation. Comme l’écrivait la constitution pastorale Gaudium et spes :
« l’ordre social et son progrès doivent toujours tourner au bien des personnes, puisque l’ordre des choses doit être subordonné à l’ordre des personnes et non l’inverse ».
En effet, « elle passe, la scène de ce monde » (1 cor 7, 31), tandis que l’homme qui agit sur cette scène est appelé à la vie éternelle. Le bien des personnes, c’est en définitive leur salut qui passe par leur libre réponse à l’appel divin. En conséquence, s’il est un droit essentiel, inhérent à la dignité de la personne, c’est le droit à la liberté religieuse proclamé à juste titre lors du concile Vatican II dans la déclaration Dignitatis humanae :
« Tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres ».
Au-delà de cette liberté fondamentale, la société doit s’efforcer de faciliter à l’homme la vie selon l’Esprit en combattant les structures de péché, en prônant des lois respectueuses des lois divines, en assurant la justice et donc la paix, en donnant un cadre juridique propice à une certaine prospérité.
Affirmer la dignité de la personne, c’est aussi affirmer l’égalité des personnes. Si la valeur de la personne est une valeur absolue, du même coup, les différences individuelles s’effacent, tombent dans l’insignifiance – quant à la valeur -, dès lors comme l’écrit Paul :
« il n’y a ni juif ni grec, il n’y a ni esclaves, ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Epitre aux Galates 3, 28 ; voir aussi Romains 10, 12 ; première aux Corinthiens 12, 13 ; Colossiens, 3, 11).
Ainsi, si « Dieu ne fait pas acception des personnes » (Actes des Apôtres 10, 34 ;Romains 2, 11 ; Galates 2, 6 ; Ephésiens 6, 9) à plus forte raison devons-nous regarder tout homme comme un frère et nous souvenir de la règle d’or :
« Tout ce que vous voudriez que les hommes fassent pour vous, vous aussi faites-le de même pour eux, car c’est ce qu’enseignent la loi et les prophètes » (Evangile de Matthieu 7, 12).
La règle est claire et exigeante, elle commande nos rapports individuels avec les autres et cela nous le comprenons assez facilement. Elle doit aussi commander nos choix concernant l’organisation de la société. Lorsque nous optons, par nos votes, nos décisions, pour une certaine organisation de la société, nous devons toujours nous porter par la pensée à la place du plus misérable, du plus petit dans cette société et nous poser cette question : « voudrais-je être à cette place ? ». Le Christ lui-même l’a dit : il y aura toujours des pauvres, il ne s’agit donc pas de prôner l’utopie, mais nous devons toujours nous interroger sur les moyens de rendre leur situation moins douloureuse. Ce n’est pas une idéologie ou des préjugés de classe qui doivent guider nos choix collectifs mais une raison éclairée par une empathie qui se mue en compassion et rejoint à sa place le plus petit. Sans la Grâce, jamais nous n’y parviendrons, c’est donc par la prière que nous devons demander au Christ de savoir comme Lui, rejoindre nos frères dans leur misère. Le disciple n’est pas plus grand que le maître : Dieu s’est fait homme, nous devons à son exemple nous faire pauvres en esprit.
Hubert HOULIEZ