Alain LEDAIN - Partages, pensées, réflexions...
Avant de poursuivre nos chroniques, il me semble important de revenir sur mes précédentes prestations.
Les réactions essentiellement – mais pas exclusivement – féminines, très positives et passionnées à ma deuxième intervention sur la la question : " Où sont les hommes ?..." m’obligent à revenir brièvement sur ce thème.
Je reste profondément persuadé que les changements dans l’Eglise et la société dépendent grandement des hommes, de leur sortie du silence et de l’absence, et d’une bonne compréhension de leur identité masculine.
Au plan plus personnel (nous sortons momentanément du cadre de ces chroniques), mes entretiens avec quelques jeunes femmes m’ont montré qu’elles attendent de vrais hommes – contrairement à notre contexte sociétal qui cherche leur féminisation –. Elles regrettent qu’au pire, les hommes n’osent pas les aborder, qu’au mieux, ils ne persévèrent pas dans la conquête de leur cœur, qu’ « ils ne prennent pas position ». L’une d’elle me confiait : « ce n’est pas parce qu’un homme m’invite deux fois au restaurant qu’il doit croire qu’il m’a gagnée, que je suis tombée amoureuse de lui. Il doit me conquérir. »
Ça y est ; le mot est lâché : « Conquérir ». Le vocabulaire du combat et de la guerre.
Certains s’accordent à dire que, pendant des millénaires, l’homme s’est défini par sa capacité de protéger la femme et l’enfant, donc par la guerre. L’homme était celui qui partait à la guerre et rentrait en héros, avec la gloire et l’honneur. Aujourd’hui, avec l’après 1968, avec le rejet de la guerre et de la violence (à laquelle est assimilée la sexualité masculine), avec l’arrivée du pacifisme, il y a, parallèlement, rejet de la virilité. L’homme est devenu une créature étiolée, moribonde, au pouvoir et à l’autorité partagés. Un homme me parlait de « castration » en imitant le mouvement des ciseaux !
Parallèlement, au sein de la famille, l’homme refuse d’être la loi, d’être celui qui dit non parce qu’il pose des limites ; il refuse d’être désapprouvé. Il veut être aimé comme la mère, il veut séduire ses enfants.
C’est une analyse de notre contexte. Le thème est trop discuté, trop disputé pour que je prétende apporter la vérité. Quoi que l’on en pense, les hommes ont besoin de retrouver le sens des responsabilités, leur « identité de conquête» au risque de ne plus passionner les femmes qui les entourent…
Dans un débat , une phrase a retenu mon attention : « Dans les relations entre jeunes gens, les garçons se comportent comme des filles, c’est-à-dire ont des réactions de filles, ont des discours de filles ; ce qui désespère les jeunes femmes. » Je laisse ces questions : qu’est ce qu’un comportement de filles ? Qu’est ce qu’une réaction de filles ? Qu’est ce qu’un discours de filles ? En bref, qu’est qui désespère les jeunes femmes ?
Sachons que la Bible offre des figures masculines (des images archétypiques) auxquelles nous pouvons nous identifier (nous les hommes). Ainsi, pour n’en citer que quelques unes : Moïse est l’archétype du chef, Samson du guerrier, David du roi, Elie du prophète, Jean-Baptiste de l’homme sauvage . A tout homme de trouver son archétype, son modèle en étant conscient qu’en chacun, il y a des travers, des « zones d’ombre ».
Images archétypiques et zones d’ombre
Elie est l’archétype du prophète ; un prophète énergique, passionné, enthousiaste qui dénonce l’injustice avec courage au prix, éventuellement, de sa propre vie.
Un danger de l’identification à cet archétype est l’enivrement du sentiment de puissance. Après avoir égorgé les 400 prophètes de Baal, Elie a du rencontrer le Dieu de douceur et de silence présent dans la brise légère. Le but : être mu, non par la puissance, mais par Dieu qui nous pousse.
Vous remarquerez que dans certains milieux évangéliques, très avides de la puissance de Dieu, on a un vrai problème avec le silence !
Enfin, selon le livre des Proverbes : « Le fer s'aiguise contre le fer ; l'homme s'aiguise face à son compagnon. » C’est pourquoi il est si important que les hommes se retrouvent entre eux et osent « croiser le fer », c’est-à-dire se confronter, se parler, s’entraider, avec pour buts :
- d’entrer en contact avec leur masculinité,
- d’éveiller leur énergie masculine et de l’orienter vers des secteurs d’engagement (nous voici revenu au cœur de nos chroniques !),
- de développer une spiritualité en cohérence avec leur nature virile.
Une remarque pour en finir (momentanément ?) avec ce sujet : alors que je préparais cette intervention, un e-mail est tombé dans ma boite aux lettres. Il concernait un séminaire pour femmes organisé par une grande église de la région parisienne. Le thème : « Les femmes, l’armée imbattable du Seigneur ».
En tant qu’homme, je dois avouer que ce titre m’a mis mal à l’aise. Comme écrit précédemment, "guerre" et "combat" sont des termes attachés à la masculinité. La confusion des genres a-t-elle atteint l’Eglise ? (Je suis volontairement provocateur !)
1968 a marqué la fin d’une société machiste. En ce sens, 1968 n’a pas été négatif. Mais, il y a eut un « effet balancier » ; on est passé d’un extrême à l’autre : La cause féministe est allée trop loin. Certaines femmes ont cherché à transformer les hommes à leur ressemblance. Une erreur, car « égalité » n’est pas « même-itude » et, en définitive, elles en sont frustrées trouvant plus difficilement de vrais hommes.
D’un autre côté, les hommes ont construit une société à l’image de la mère et certains d’entre eux se montrent absents en se réfugiant dans le travail mais, « pas de chance », là aussi, ils y retrouvent parfois des femmes en position d’autorité…
Évidemment non ! Après plusieurs millénaires d’identification à « celui qui part à la guerre pour défendre femme et enfants », l’homme doit trouver d’autres images archétypiques (d’autres modèles).
Une fois encore, la réponse est négative. La vraie masculinité n’est pas attachée à la violence. Par contre, les frustrations développées par des hommes en insécurité quant à leur identité est génératrice de violence.
Dans notre société occidentale féminisante, entre 1981 et 2001, le nombre de détenus pour viol ou autres agressions sexuelles a été multiplié par 7 environ et 48% des détenus pour crimes le sont pour crimes sexuels.
Ces statistiques me font penser au roi Hérode, personnage à la fois dépendant des femmes – il est prêt à donner la moitié de son royaume à Salomé – et meurtrier : il fait assassiner Jean-Baptiste.
Non, ce n’est pas la masculinité qui engendre la violence mais bien plutôt son déficit chez les hommes !
Oui et pour plusieurs raisons. La principale d’entre elles est que nous sommes des êtres incarnés (nous ne sommes pas de purs esprits) et des êtres sexués. Les questions identitaires sont celles qui nous atteignent les plus profondément.
Albert Camus réclamait des chrétiens qui sortent de l’abstraction. Ça y est ; c’est fait !
L’Église a souvent tenu un discours moraliste sur la sexualité et sur la confusion des genres (homosexualité). De plus, et sans doute à cause du célibat des prêtres et des sœurs, elle a donné l’image d’un rassemblement de personnes mal identifiés sexuellement. Il faut le redire : devenir chrétien ne rend pas asexué !
Attention : je ne dis pas que les prêtres et les sœurs sont mal identifiés sexuellement. C’est l’image que l’on en donne parfois. Il est possible toutefois que des personnes en mal d’identité sexuelle se soient réfugiées dans le sacerdoce du prêtre ou de la sœur pour échapper à leur crise, à leurs frustrations. Mais est-là une bonne échappatoire ?
Plutôt que des discours moralistes auxquels nos contemporains sont hermétiques, optons pour la démonstration par l’exemple – je devrais dire par l’exemplarité –. Soyons de vrais hommes et de vraies femmes… ce qui n’empêche pas un comportement irréprochable !
Comme dans tous les autres domaines, nous, chrétiens devons être « la tête et non la queue », nous devons être les initiateurs de la réconciliation «hommes-femmes ».
Étant un homme, je me suis montré incisif en espérant créer des réactions parmi les hommes et susciter en eux (en moi) un désir de changement. Nous avons un travail à opérer ensemble.
Parallèlement, une femme pourrait susciter un débat identique à celui que nous sommes en train de clore et poser, entre autre, la question du niveau d’exigence des femmes par rapport aux hommes.
Les hommes n'existent plus (A 31 ans, l'écrivain Tristane Banon regarde les hommes se "féminiser". Et reste célibataire.)