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Alain LEDAIN - Partages, pensées, réflexions...

L'écologie pour tous

Tugdual Derville s’interroge devant le positionnement d’Europe-Ecologie-les-Verts (EELV) : comment peut-on défendre, en même temps, l’écologie et un mariage « pour tous » qui permet de créer des filiations fictives ? Pire : EELV défend la procréation médicalement assistée (PMA) qui « fabrique » des enfants coupés de leurs filiations à grands renforts de prouesses biotechnologiques… Les Verts seraient-ils en pleine contradiction ?  Oui, et Tugdual Derville n’est pas le seul à l’avoir constaté. Thierry Jaccaud, directeur du journal l’Ecologiste, a pris position contre la PMA. Il le dit sur son blog :

« Si le projet de loi (sur la PMA) devait être adopté, ce serait une négation sidérante de la nature, l’aboutissement consternant de notre société industrielle qui détruit la nature non seulement dans la réalité mais aussi dans les esprits. L’homme se prend pour un démiurge : nucléaire, OGM, nanotechnologies…»

Un autre écologiste, Fabrice Nicolino, journaliste à Charlie-Hebdo et anciennement aux Cahiers de Saint Lambert, soutien sur son blog la position de Jaccaud. Il précise sa vision de l’écologie : « L’écologie telle que je la pense est la découverte des limites. Y compris celles du désir. Y compris celles de sa satisfaction. »

Ces deux écologistes sont clairs. Ils nous donnent au passage une belle définition de l’écologie : la conscience de nos limites. L’Homme a des limites, il n’est pas Dieu. Nos ressources naturelles sont limitées, les pouvoirs de l’Homme sont limités, la nature obéit à des règles ; la vie humaine aussi. De même qu’il faut respecter certains cycles naturels pour préserver un écosystème, il faut respecter certains principes pour que l’enfant puisse naître et se construire. L’enfant naît d’un homme et d’une femme, pas de deux pères ou de deux mères avec l’aide d’un laboratoire ou d’une machine. Nier cette évidence a coup de textes de lois et de manipulations biotechnologiques est un mensonge, néfaste pour l’enfant qui en sera issu et qui cherchera toute sa vie son origine réelle. L’acceptation du réel, la prise en compte des limites est le contraire du « jouissons sans entrave » et de l’  « interdit d’interdire » de mai 68. EELV en défendant un programme libertaire est plus proche des étudiants hédonistes soixante-huitards que de la pensée écologiste : Dany Cohn-Bendit, grand libéral-libertaire devant l’Eternel, en est la parfaite illustration.

Le journaliste écologiste Hervé Kempf, dans le Monde, a les mêmes réserves que Jaccaud et Nicolino, même s’il ne prend pas position et appelle à un débat. Il poursuit cette réflexion en inscrivant la question de la PMA dans la problématique de la technique : « Un des piliers de la réflexion écologiste, dans le fil notamment des réflexions d’Ivan Illich et de Jacques Ellul, est en effet le questionnement de la technique, la critique de son caractère autonome, le refus de son caractère illimité. Les effets en sont, selon les écologistes, à la fois néfastes pour l’environnement – parce qu’elle favorise une transformation de plus en plus nuisible de la biosphère – et aliénante – parce qu’elle conduit à rendre l’humain esclave de son outil. Or la PMA s’inscrit pleinement dans cette analyse. » 

La question de la technique, de sa place, de son rôle est essentielle et au cœur de toute la réflexion écologique. La technique donne à l’Homme une illusion de toute puissance. Abondance, santé, efficacité, rapidité, l’humanité a fait des progrès spectaculaires grâce au progrès technique. Les limites que l’Homme connaissait dans le passé ont été dépassées. Nos limites actuelles sont appelées à l’être à leur tour. Mais à quel prix ? Le mouvement écologiste est né de la prise de conscience de l’impact de la technique et de l’activité humaine sur l’environnement. Espèces disparues, menacées, équilibres naturels faussés, atmosphère polluée, eaux souillées, déchets radioactifs ingérables… les dégâts sur l’environnement sont importants et l’Homme en est, in fine, la victime.

La question, éthique, de l’utilisation raisonnée de la technique se pose pour tous les domaines où celle-ci intervient. La biotechnologie est aussi concernée. La PMA a un réel impact sur l’environnement des Hommes : elle peut fabriquer des enfants sans rapport sexuel et sans que ceux-ci aient un jour connaissance de leur filiation biologique. Il s’agit d’une révolution au même titre que l’utilisation des OGM dans l’agriculture. Cette révolution n’est pas neutre : la vie est ainsi fabriquée en dehors de son cadre naturel et en totale contradiction avec les lois de la nature. Coupés ainsi de leurs filiations biologiques, qu’en sera-t-il des enfants conçus par PMA ? L’absence de filiation connue est un manque. Nous pouvons lire des témoignages d’enfants conçus par insémination artificielle avec donneur comme par exemple « Né de spermatozoïde inconnu » d’Arthur Kermalvezen.

Nous voyons ainsi que des écologistes convaincus et militants tiennent un raisonnement plus proche de celui de Tugdual Derville que de celui d’EELV…

Mais la déclaration de Tugdual Derville fait écho à un autre texte très important dont on a hélas trop peu parlé. Le 22 septembre 2011, le pape Benoît XVI a fait un discours très original au Bundestag, le Parlement allemand. Dans son discours, il lance un appel très argumenté en faveur de la notion de droit naturel. Mais surtout, il fait un éloge… du mouvement écologiste et en particulier du mouvement allemand des Verts. Il dit ceci :

« Je dirais que l’apparition du mouvement écologique dans la politique allemande à partir des années soixante-dix (…) a toutefois été et demeure un cri qui aspire à l’air frais, un cri qui ne peut pas être ignoré ni être mis de côté, parce qu’on y entrevoit trop d’irrationalité. Des personnes jeunes s’étaient rendu compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans nos relations à la nature ; que la matière n’est pas seulement un matériel pour notre faire, mais que la terre elle-même porte en elle sa propre dignité et que nous devons suivre ses indications. Il est clair que je ne fais pas ici de propagande pour un parti politique déterminé – rien ne m’est plus étranger que cela. Quand, dans notre relation avec la réalité, il y a quelque chose qui ne va pas, alors nous devons tous réfléchir sérieusement sur l’ensemble et nous sommes tous renvoyés à la question des fondements de notre culture elle-même. (…)L’importance de l’écologie est désormais indiscutée. Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. Je voudrais cependant aborder encore avec force un point qui aujourd’hui comme hier est largement négligé : il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il écoute la nature, la respecte et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine.»

Un vibrant éloge de l’écologie politique, éloge mesuré car il reconnaît ses quelques irrationalités, mais c’est un éloge bien réel qui appelle les écologistes à aller plus loin.

Le Pape invite le monde à une écologie plénière, une écologie de la nature et de l’Homme. Cette écologie totale est défendue par l’Eglise depuis de nombreuses années. Jean-Paul II en a été un de ses grands promoteurs et il était en pleine cohérence quand, d’un côté, il appelait l’Homme à ne pas « tyranniser » la nature et, de l’autre, à défendre la vie humaine.

L’écologie plénière, donc humaine, n’est pas une idéologie, c’est juste un humanisme plein de bon sens. C’est une éthique dans notre rapport à la nature, à la vie et à la technique.

La Manif pour tous est sans doute le signe avant coureur de l’émergence d’un grand mouvement d’écologie humaine et donc plénière. Il est à espérer qu’un tel mouvement verra se rassembler des écologistes de tout bords, de toutes confessions, de toutes convictions, des hommes et des femmes conscients des problèmes éthiques soulevés par une technique toujours plus puissante.


[1] Il fait allusion, entre autres, à Jacques Ellul : penseur de l’écologie politique et aussi théologien protestant.

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