Alain LEDAIN - Partages, pensées, réflexions...
Commençons par définir notre but : la sagesse.
La sagesse, c’est acquérir le bon sens (ce bon sens, c’est retenir ses lèvres par exemple), la justice, l’équité, la droiture, le discernement, la connaissance, la réflexion.
La sagesse, c’est aussi apprendre la prudence.
Pour aller plus loin sur le thème de la prudence, lisez les articles d'Hubert HOULIEZ
Elle est « pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, exempte de duplicité, d'hypocrisie. » (Jc. 3 : 17)
Pour acquérir la sagesse, il faut :
Ecouter les réprimandes (les reproches), les conseils (Pr 1 : 23, 25), les avertissements, c’est-à-dire les recevoir, y être attentifs, les retenir – ne pas être oublieux –, y marcher, ne pas en dévier, ne pas les abandonner. Mes lecteurs auront reconnu le style des premiers chapitres du livre des Proverbes.
Les réprimandes, les conseils, les avertissements sont nécessaires à notre construction et à celle de nos enfants. Dans un entretien avec le philosophe Luc Ferry , le cardinal Philippe Barbarin disait : ma génération « a été contrée, éduquée, reprise, corrigée, aimée et elle a à peu près avancé, cahin-caha. Bénis soient tous ceux qui se sont opposés à moi, tandis que je grandissais ! Ils m’ont aidé à me construire, ce qui fait que je n’ai pas jugé utile de me ‘défoncer’. » (Mgr Philippe Barbarin – Luc Ferry – Quel devenir pour le christianisme ? - © 2011 Albin Michel – p.109)
Avant d’aller plus loin, deux remarques. Premièrement, la sagesse n’est pas un état statique mais une marche dans laquelle on apprend l’art de se conduire avec les autres. Deuxièmement, dans le livre des Proverbes, un père parle à son fils (un maître parle avec son disciple). Le maître est père car il est porteur de la connaissance, c’est-à-dire de l’expérience de la vie. La connaissance qui accompagne la sagesse n’est donc pas que la mémorisation de concepts intellectuels. Elle n’est donc pas liée à notre QI.
Pour acquérir la sagesse, il faut aussi :
Accepter les commandements (Pr 10 : 8)
La rechercher sachant qu’elle est avec les modestes (Pr 11 : 2).
« Si quelqu'un d'entre vous manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée. » (Jc 1 : 5)
Selon Proverbes 1 : 7, le commencement de la sagesse, c’est de révérer l’Eternel. Révérer c’est honorer, traiter avec un profond respect.
Par extension, il est important de respecter l’homme sage, celui qui dispense son savoir, celui qui détient l’autorité même s’il est défaillant. (Cf. Noé)
Dans notre beau pays, il est culturel de ne pas se soumettre aux autorités, de se rebeller, de critiquer – au sens négatif du terme. On pense trop souvent qu’être ironique et méchant, c’est être profond et intelligent.
Rappelons que la soumission aux autorités est une attitude de cœur emprunte de respect. Elle n’implique pas nécessairement l’obéissance, pas plus que le silence devant ses défaillances ou devant l’injustice.
Ne nous adonnons pas à la dérision, aux moqueries et au mépris qui anéantissent tout, y compris le sens de l’autorité, du sacré et de la transcendance.
La sagesse nous sort de l’immaturité de l’enfance. Mais au juste, quelles sont les traits de l’enfant et quels sont ceux du maître ?
Les enfants sont instables, influençables (« flottants et emportés à tout vent de doctrine ») ; ils marchent selon la devise « c’est le dernier qui a parlé qui a raison ! » (Ils n’ont pas de recul réflexif.) Ils sont soumis aux modes de pensée. Ils se laissent facilement tromper et séduire.
Un homme accompli est un homme plein de discernement, qui ne se laisse pas piéger par les apparences : il ne se laisse pas tromper, manipuler. Il ne se précipite pas, ne se laisse pas guider par ses émotions. Il est posé, enraciné ; il a creusé ses fondements.
Un enfant n’a pas d’expérience alors qu’un homme fait est un homme d’expérience « dont le jugement est exercé par l’usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal », ce qui est vrai et ce qui est faux.
Un maître, ce qu’avec le temps nous devrions être selon Hé 5 : 12… oui, car le maître sait que la maturité nécessite du temps, qu’il n’y a pas de clé ou de raccourci permettant une maturité instantanée. Il sait que la maturité est un processus, un développement de vie.
L’enfant, lui, reste dans le désir infantile du « tout, tout de suite ». Il cherche à être arrivé alors qu’il n’est pas encore parti ; il veut être considéré comme un vainqueur alors qu’il n’a pas encore combattu.
Attention au syndrome de Peter Pan ! Le syndrome ou complexe de Peter Pan caractérise les enfants angoissés par l'idée de grandir et les adultes instables.
Peter Pan est un personnage inventé par James Matthew Barrie au début du 20ème siècle qui s’enfuit afin de pouvoir rester un enfant insouciant. Cet enfermement dans le monde de l’enfance lui permet ainsi d’éviter toutes les responsabilités inhérentes au monde de l’adulte.
Les personnes qui souffrent de ce syndrome sont émotionnellement bloquées au seuil de l’adolescence. Leur fonctionnement est souvent impulsif, guidé par les seules émotions.
source : http://www.aapel.org/bdp/BL_peter-pan.html
Commençons par lever cette question.
Instruire , c’est transmettre des connaissances techniques, des savoirs académiques et des savoir-faire permettant à une personne d'accéder à la vie sociale, professionnelle…
Eduquer, c’est former une personne globalement ; c’est lui apprendre un « savoir-vivre avec les autres », un savoir-être. Eduquer, c’est façonner des hommes, c’est former des êtres que l’on aimerait vertueux, de valeur, de mérite. Eduquer ne nécessite ni un grand QI, ni richesse matérielle mais nécessite, quant il s’agit des enfants, amour et stabilité familiale… entre autres !
Manquer d’éducation, manquer de savoir-vivre, c'est être infirme de l'existence. C’est dire combien l’éducation est essentielle. Intériorisant la loi, elle nous humanise en nous faisant sortir de l’état de nature.
Pour transmettre le savoir-vivre, il faut vivre avec et non seulement enseigner, parler. L’éducation se transmet par l’imitation, par le témoignage et le désir de ressembler. Contrairement à l’’instruction, elle ne suit pas des programmes et ne s’évalue pas par des notes. On peut être très instruit et fort mal éduqué.
L’éducation des enfants est l’affaire des parents, pas de l’Etat. En 1932, le gouvernement d'Édouard Herriot a eu le tort de rebaptiser l'instruction publique « éducation nationale ». L’Etat ne peut éduquer. Pourtant, il s’étonne de la pauvreté éducative malgré les moyens déployés : des « enfants aboient au lieu de parler, injurient sans préalable et ne respectent personne ».
La maturité spirituelle, fruit de l’ « éducation spirituelle », ne peut s’évaluer uniquement sur la base des connaissances des personnages et des textes bibliques, des versets appris par cœur ou de la compréhension de la théologie biblique, même si toutes ces choses sont importantes et ne doivent pas être négligées.
« La maturité spirituelle se démontre plus par le comportement que par les croyances. La vie chrétienne n’est pas une simple affaire de credo et de convictions ; elle inclut la conduite et le caractère. Les croyances doivent être confirmées par le comportement. Nos œuvres doivent être cohérentes avec nos convictions. »
Autrement dit : L’étude de la Bible, même si elle est nécessaire, ne suffit pas pour grandir. Il est inutile de transformer l’église locale en « salles de classe ». Le contenu de l’enseignement biblique et la doctrine ne suffisent pas car il ne s’agit pas de communiquer de l’information, de l’instruction seulement.
L’Eglise a davantage besoin de pères que d’enseignants. Elle a besoin de modèles qui offrent leur vie en témoignage.
Source utilisée :http://ag.org/enrichmentjournal/International_PDF/French/200307_Ete_FORMER_DISCIPLES%20.pdf
La question n’est pas simple. Je me contenterai donc de donner des pistes et de barrer une fausse direction.
1 – D’abord, sachons que le chrétien autosuffisant ou le disciple « qui s’est fait tout seul » est une mystification. Il est vrai qu’aujourd’hui, nous vivons dans le mythe : ne rien devoir à personne, être soi-même sa propre création, « du passé faisons table rase ». Les plus "spirituels" transposeront et déclareront ne dépendre que de l’Esprit Saint. Pourtant, l’Histoire n’a commencé avec aucun d’entre nous. Lors de notre nouvelle naissance (notre conversion), nous avons été plongés dans un héritage et précédés par une nuée de témoins qui nous ont transmis la culture du Royaume de Dieu. La transmission dont je parle ici n’est pas celle imprimée dans des livres mais celle écrite dans des cœurs : elle trouve son incarnation dans les disciples du Christ que nous côtoyons.
Aucun converti ne naît disciple accompli : il le devient par l'investissement de ceux qui le précèdent. Tout disciple est donc un héritier, nul ne se forgeant lui-même.
Ajoutons que la transmission sous-entend un rapport d’inégalité (entre le maître et le disciple, entre le père et le fils) dans lequel celui qui reçoit devient débiteur de celui qui donne.
De connaître la Bible ;
2 Tm 3 : « 16 Toute écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire [« Eduquer » selon certaines traductions] dans la justice, 17 afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre. »
Ceci étant, attachons-nous non seulement à l’enseignement du Maître, Jésus-Christ, mais au Maître lui-même car « c’est en lui que sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance! » (Col 2 :3)
D’imiter des hommes d’excellence. « Celui qui fréquente les sages devient sage… » (Pr 13 : 20)
De développer de bonnes habitudes, entre autres par rapport à la gestion de notre temps, de notre argent et de nos relations.
D’avoir le sens de la perspective : savoir prendre du recul pour acquérir la stabilité, avoir le sens des priorités, ne pas poursuivre des futilités.
De marcher dans la vérité : Être des hommes et des femmes de convictions, porteurs de valeurs tout en étant tolérants, amis du bien mais indulgent envers les personnes, cohérents entre leurs paroles et leurs actes…
De développer nos dons. La « naissance d’en haut » ne fait pas de nous des êtres achevés. Nous possédons des potentialités qu’il faudra déployer.
De développer notre caractère : devenir comme la sagesse que nous voulons acquérir : pacifiques, modérés [pas excessifs], conciliants [pas querelleurs], pleins de miséricorde et de bons fruits, exempts de duplicité, d'hypocrisie. (Jc 3 : 17)
On peut citer ici William Makepeace Thackeray (romancier britannique du XIXème siècle) : « Sème une pensée et tu moissonneras une action ; sème une action et tu récolteras une habitude ; sème une habitude et tu récolteras un caractère ; sème un caractère et tu récolteras un destin. » Pour développer un caractère, tout commence par les pensées, qui doivent être renouvelées et ne pas être conformes au siècle présent, puis continue par des actions en cohérence avec les pensées et de saines habitudes.
D’accepter les contretemps et, de façon plus générale, de rompre avec la culture actuelle de l’instantanéité.
De transmettre pour permettre à d’autres d’aller plus loin que nous. Anthropologiquement, l’homme est l’être-qui-transmet. Il communique ses découvertes, ses savoirs, sa culture. Ce désir de transmission, réalisons-le aussi au plan spirituel… ce qui nous imposera d’aimer nos héritiers, c’est-à-dire de se donner à eux.
A remarquer que Dieu travaille de génération en génération : il est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. « Si tu veux travailler pour un an, sème du blé ; pour dix ans, plante un arbre ; pour trente ans, prépare des hommes. » (Proverbe chinois cité dans "Etonnement d'un amour" de Frère Roger)
Et dans ce travail de transmission, évitons l’infantilisation de ceux qui nous sont confiés. Si je réfléchis à votre place et vous livre des prêts-à-penser, si j’exerce ma foi à votre place – mais le puis-je vraiment ? –, si je ne vous nourris que de lait , si je vous parle comme je le ferais avec un gamin, je ne dois pas m’attendre à ce que vous deveniez adulte.
Devenons des hommes (et des femmes) accomplis, ayant acquis une épaisseur de vie et qui ne risquent pas d’être trouvés légers. Préférons la sagesse au confort matériel et au bien-être vides de sens, même s'il a un prix à payer...
Ayant perdu la foi en Dieu et la recherche de la vérité, ne restent à nos contemporains que les sagesses naturelles pour vivre le mieux possible cette énigme qu’est l’existence. Les sagesses suppléent ainsi au manque de sens de vie, au manque de foi.
L’homme sage selon ce monde ne prend pas nécessairement le risque de nier l’existence de Dieu mais il organise sa vie sans Lui, sans Ses promesses. Il voit en lui-même sa propre fin ; il est coupé de Dieu. Il peut paraître vertueux, homme de la modération, de l’équilibre, du « point trop n’en faut » parce qu’il ignore toute passion et tout grand désir qui font souffrir.
Comme tout épicurien, il pourra se faire comptable des plaisirs et des peines, s’épargner, se réserver, se replier sur lui dans un triste idéal d’autosuffisance : ne pas dépendre d’autrui, voilà son but. Rien, en effet, n’est plus imprudent lorsqu’on ne veut pas souffrir que de dépendre d’autrui. Aimer est alors l’imprudence suprême puisque mon bonheur dépend alors du bonheur de l’autre…
Le paragraphe ci-dessus reprend une partie de l'excellent article d'Hubert Houliez sur "La prudence se lon la chair" .
La sagesse de Dieu, celle qui mène à grandir en Lui, n’épargnera pas de la souffrance car elle réclame du sens, de l’engagement, de la foi. Elle implique la recherche de la Vérité et du bien. Elle est bonne, elle mène à la vie abondante ; dans l’espérance, elle nous met en tension vers l’avant. Elle ne renonce pas, elle est enthousiasmante.
Puissions-nous être tendus vers cette sagesse qui nous fera mûrir devant Dieu et devant les hommes.
En complément, lisez l'article de DAVID MARTORANA : Comment former la nouvelle génération ?